Cher Monsieur Ruffin,

Je vous suis depuis longtemps, je suis sur votre longueur d’onde.
Moi aussi, j’ai décidé de refaire le monde, ce qui peut nous rendre tous deux sujets de gaudriole, mais qui ne risque rien n’a rien.

L’essentiel est de se rendre utile à la communauté. Lui apporter un machin utile qu’elle trouvera difficilement ailleurs. Je me suis demandé : Que puis-je apporter qui ne soit déjà en main.

Et je pense avoir trouvé un « truc spécial », qui est d’ailleurs un des deux objets de ce site.

Concrètement : vous évoquez des axes de transformations de notre société, en précisant que ce ne sont que des chantiers, des sujets délicats qui demandent souvent à être profondément fouillés. Et personne n’est de toutes les compétences. Même un génial ministre a des conseillers.
Il va falloir beaucoup blablater pour arriver à un édifice juridique stable.
Les énarques vont bien nous traiter de bolosses.

Vous avez déjà vu un nid d’oiseau. Quand le bestiau s’est appliqué, il a fait une salade de mikados tellement imbriqués que vous ne pouvez pas en sortir une seule brindille sans grand effort, au risque de tout casser. Donc oui, quand on décide de changer un principe important (souveraineté sur la monnaie, par exemple, ou la propriété lucrative), on en vient vite à dire qu’on aura plus vite fait de tout refaire. La sagesse est entre les deux, mais je ne suis pas sage. Ça en fait, des questions lourdes qui se posent simultanément !
Ça en fait des délibérations à mener. Des milliers. Si on n’est pas au moins 500 000 à participer, surveillés par 20 millions (chiffres un peu au hasard), on aura pas fini avant le 5ieme mandat de Manu.
Il nous faut une USINE à délibérations.

Quelque soit le périmètre de la réflexion : une association, un conseil municipal, départemental, régional ou national, une assemblée de représentants, nous parlons là de production de délibérations.

Délibérer sur le libre échange, les métiers du lien, la relocalisation, une politique agricole, bref la vie de la société, c’est instituer des lieux de délibérations, puis les « pratiquer ».

Or, n’ayant jamais eu à vraiment délibérer, nous ne savons pas le faire. Nous savons nous réunir avec un vague ordre du jour. Enfin parfois. Ensuite nous savons jacasser.
Voyez les Nuits Debout ou les Gilets Jaunes : ça cause, ça cause, mais ça ne délibère pas.
Sauf quelques assemblées, et trois exceptions de votre connaissance, j’en connais aussi.
Rien à la hauteur des 47 millions d’électeurs.
Je serais bien plus tranquille si 10 millions de françaises-français délibéraient. Qu’il y ait quelques pommes pourries dans le panier, sur 10M, c’est pas grave. Mais 8 dans un conseil de ministres ?

Nous suivons de près B. Friot : les sujets soulevés par sa proposition feraient bien une cinquantaine de questions : on en parle où, comment ?
Même si les gens du Réseau Salariat posent les questions, j’aimerai qu’instantanément tous les français s’en saisissent. Et posent d’autre questions etc..

Vous reprenez notamment cette idée d’autogestion des entreprises. Ce qui était plié en deux coups de téléphone autoritaires du dirlo demande maintenant des délibérations. Concrètement, on fait comment ? (Oua le gars il amène sa question l’air de rien, et bim !, il envoie sa réponse ! Serait-ce un vil procédé narratif ? )

Je parle d’ouvrir la délibération à chacun. Dans le même temps d’ouvrir l’initiative législative au peuple, c’est-y pas beau m’sieur l’député ?

Au boulot !

Dans « délibérer », il y a aussi l’idée de ‘livrer’ un résultat : des propositions concurrentes qui vont s’affronter au cours d’un vote final.

Permettez moi de résumer ça avec mon schéma, un processus de délibération complet.

Les « Jacasseries »

Discutions libres, éventuellement houleuses : type nuits debout ou rond-points, ou assemblée. On refait le monde. On produit, au mieux, LA QUESTION et des embryons de réponses

  1. Déterminer la question (par exemple logistique de la campagne d’isolation des locaux résidentiels, ou bien Planification de la sortie de Schengen, dates d’ouverture pour la truite)
  2. Des groupes se séparent avec des idées différentes. D’ailleurs, j’ai vachement raison, et les autres, ils sont un peu bêtes.

Bon eh bien aujourd’hui on s’arrête là.
Mais je vous propose de continuer. C’est ça mon apport.

Mais ne vous méprenez pas : la « création » fut-elle artistique, technique ou politique ne peut émerger QUE de la jacasserie.
Si vous avez fait de l’analyse transactionnelle, c’est l’état « Enfant ». Il n’y a que les enfants qui jouent, qui créent. Mais les gosses, ça rédige pas.
J’ai choisi un terme un peu péjoratif exprès : de la jacasserie, il en faut, mais il faut apprendre à en sortir, pour passer à l’étape de la rédaction.

Enfin, délibération.

Parce qu’il n’y a rien derrière pour structurer le travail de ceux qui sont tout à fait prêt à s’impliquer, on gâche. Ce que j’appelle délibération n’advient pas. On se fait des potes, mais le CAC 40 est toujours debout.
Il y a des exceptions bien sûr, mais seul des virtuoses, qui vont rester en très petit nombre vont pondre une proposition de constitution, de nouveaux codes.
J’ai cru comprendre qu’en vrai démocrate, vous souhaitiez inviter un maximum d’électeurs à devenir citoyens : on est barré pour au moins 20 ans d’éducation populaire. A part les loteries de la révolution, l’espoir est mince (j’écris ce mot la veille du 5 décembre 2019, j’irai demain gratter mon ticket).

Je retourne au sujet : je propose de partager mon expérience avec un site que j’avais essayé d’installer, sans succès, mais dont le principe reste fulgurant. Et j’ajoute que j’ai trouvé 90% du concept tout cuit au parti pirate allemand : ce sont eux, les fulgurants.

Imaginez un site web, extrêmement dépouillé, aux antipodes des facebook et instamachin. Ergonomie de distributeur de billet : simple ! Doit être accessible aux mal-voyants ET aux mal-comprenants.

Il héberge une arborescence de sujets, classés par thèmes. Entendons nous, cette arborescence, à l’échelle d’un état, ne saurait être moins touffue que le plan comptable national.

Au lieu d’avoir une pensée ‘comptable’, on l’adapte à une pensée ‘politique’.

On ne peut pas y poser sa QUESTION dans les deux ou trois premières couches, qui restent trop générales.

Exemple : défense, justice, éducation, santé…

Santé se découpe en : planification générale, hôpitaux, médicament…
Hôpitaux se découpe en : formation initiale des soignants, formation continue, éthique pro, gestion logistique, gestion immobilier, intendance, règlements intérieurs, droit des patients, catering………….

Etc… Je vous laisse imaginer, c’est laborieux, mais pas compliqué. J’appelle ça la « systémique sociale ».

Donc, le secrétaire de séance du tumulte évoqué plus haut, va créer une « question », au bon endroit dans l’arborescence. Un quidam peut l’y découvrir.
Une première réponse doit être posée, même brouillon, on ne peut pas poser une question juste comme ça, en l’air.

Dans un temps donné, réglable, quelques mois, semaines, jours, déterminé à l’avance, le sujet de la question va être mis en délibération. Pas de chat, pas de « mur », pas de messenger : chaque « équipe » (amicalement) concurrente va inscrire sa réponse. On est pas au bistrot, on est au Greffe de la République Française. Une équipe peut réviser sa copie en permanence.

C’est un concours de réponses à une question jugée d’intérêt général.
Je ne veux pas entrer dans les détails, que vous trouverez ici.

Les personnes concernées par le sujet, dans toute la France, vont tourner autour avec un système assez strict de possibilités de communiquer avec les rédacteurs, qui pourront constamment corriger leur proposition, s’ils sont sensibles aux arguments à eux proposés.

Et si vraiment aucune réponse ne te branche, taka poser la tienne, pisque t’es si malin !

Particularité : il est permis, voir encouragé, de copier les bonnes idées. Le but est de former un consensus. Pas une bande de winner arrogants et intéressés.

Ce site est un peu comme un greffe de tribunal : on y débat pas. On pose des infos, on rectifie, on lit des docs.
Et à la fin on vote. Mais pas comme maintenant. On vote en mettant dans l’ordre les propositions. Il est naturel qu’il y ait 10, 20 réponses possibles à une question. Je ne supporte pas les questions oui/non verrouillées des référendums. J’ai toujours celui de 2005 dans le côlon d’ailleurs. Pourquoi je n’ai pas pu choisir parmi 30 propositions de constitutions ?

Je vous invite à aller voir les détails en lien un peu plus haut, et/ou lire ce document, sans vous soucier des écrans très moches. Énumérer ici les détails de la gestion du système serait pénible.

Toujours est-il que je propose d’animer une création en open-source, bien sûr, sous linux bien sûr aussi, et dans un cadre collectif. Et si le collectif existe déjà, je veux en être !

Pour héberger le développement, ainsi que l’exploitation d’un tel système, il faut trouver un lieu neutre, plein de cerveaux : Un établissement universitaire, par exemple.
Perso, ça fait bientôt 40 ans que je fait du C (et variantes) sous Unix puis Linux. J’ai une petite idée de ce que c’est que de monter un truc comme ça, j’ai quelques références. Mais je ne cherche pas à le faire seul, je souhaite contribuer à le faire, ça demande une équipe, ce n’est pas un bricolage.

En soi le binz n’utilise que des techniques, des langages très éprouvés, et ne contient aucun machin complexe. L’algorithme pour le vote est dérivé de celui de Condorcet. J’utilise celui de Schulze, mais il y a des variantes respectables. Ces principes sont utilisés par Wikipédia, Debian et plein d’autres organisations.

Vous qui vous êtes frotté au aléas de la 5ième Répu, j’espère vous séduire :

Le gagnant des votes par listes (de réponses candidates), déterminé par une variante moderne de l’algorithme de Condorcet, est celui qui fait consensus.
Le gagnant peut par exemple n’avoir jamais été un premier choix, mais être le deuxième choix de tous ! Les premiers se sont réciproquement annulés.

Je me suis mis un instant à votre place : vous vous déplacez, vous lancez des sujets, des pistes qui sont accueillies avec approbation. Bravoooo ! Mais ensuite ?

Où qu’elle est la proposition de loi pondu par un mec dans le public, qui vous a applaudit ? amendement ? Où qu’il est le livre blanc, la nouvelle bible sur les mille sujets que je viens à l’instant de me retenir d’énumérer ? On ne peut pas compter sur un homme, même 100 pour faire le boulot. C’est juste matériellement et physiologiquement impossible. Il n’existe, pour le peuple, aucune structure de délibération, lui, il se démerde avec un papier et un stylo. Et il n’y arrive pas. Et c’est normal !

Je termine avec le sketch du vote : une question cruciale est posée.

« Le franc revient. La gestion de sa masse monétaire dépend de la Banque de France aux ordres des représentants. Il faut définir les principes qui régiront la création et la destruction monétaire.
Vous avez 6 mois. »

Au bout de six mois : 50 réponses retenues, dont 10 loufoques, 10 naïfs, reste 30 candidats « techniquement » crédibles.

– Alors, mon petit Roger (vous permettez que je vous appelle Roger, afin de préserver votre anonymat ?), qu’allons nous faire des humoristes et des naïfs ?
– Ben rien, on ne les transcrit pas. (abstention à leur égard)
– Alors maintenant quel est votre préféré, ou vos préférés
-..
– On se magne Roger..
– Le 12.
– OK. Et si c’est pas lui qui gagne, qui ensuite ?
– Le 14 et le 3
-Et si c’est pas eux ?
– Le 18
– Et les autres ?
– Chuis obligé ?
– Préciser que vous les aimez moins, en les plaçant en fin de liste n’est pas la même chose que d’ignorer la blague de potache N° 33 que vous ne placez nulle part.
…………(plus tard)
– J’ai fini !
T’as qu’à t’essuyer tout seul, t’es grand maintenant. Voila ! Content, Roger ?
– D’abord, on va arrêter avec Roger. Qu’attendez vous de moi ?

Il parait que tu fais de grosses promos sur le lien en ce moment. T’en as ? De mes Cévennes, j’ai du mal à enclencher seul le processus de création du système de délibération démocratique seul capable de sortir la France du capitalisme. Et je suis modeste.
Recevez, Monsieur le député, mes tralalilalères respectueuses, et moi une adresse email ou un 06 pour rester propre dans ma tête…..

Sébastien

P.S. Cette « Agora » comme je l’appelle, serait le premier lieu de rencontre intermédiaire institutionnel. C’est pas bô ? (si vous ne comprenez pas cette phrase, relisez Christopher Lasch). Je ne plaisante jamais avec les « lieux de rencontre intermédiaire ». Un rond-point, par exemple.

P.S.2. La métaphysique révolutionnaire, les conditions de réalisations supposées de grands soirs, ne sont que prophétiques, avec le secret espoir d’une auto-réalisation improbable. On est tous 5mn avant le tirage du loto.
Une population qui sait traduire en texte ses désirs, qui s’est même entraînée à le faire sur des cas concrets, qui à même un gros stock de questions réponses, qui a pratiqué la délibération, est autrement armée pour prendre le palais d’hiver. Moi, je respecte le travail de tous ceux qui se bougent le cul, et je ne me sens pas de leur donner des conseils. Faisez les gars, faisez, c’est plus que je n’en fais. Nan, mon truc, c’est en plus, pas à la place.

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