Pouvons nous penser une nouvelle économie

Retrouvons le cadre

Nous sommes sollicités par la question, ô combien révolutionnaire, d’une redéfinition de la constitution de notre société. Non pas par goût, mais par la contrainte induite par sa perdition. Dette, chômage, dégradation « inéluctable » du biotope, dégradation de nos conditions de vie, transfert bientôt total des richesses, y compris des biens communs, entre les mains d’une minuscule caste interlope et cosmopolite : dépassant donc les notions de cultures liées à une géographie, et se passant d’ailleurs complètement d’appartenance à une quelconque nation.

Assez facilement, en cherchant un peu, nous pouvons cerner des causes. Cet article n’y reviendra pas. Dès lors que des causes sont identifiées, la réduction de ces causes vient à l’esprit.

Tout comme E. Chouard nous pointe sa « cause des causes », placée juridiquement dans la constitution, et donc incite les futurs citoyens à en écrire une nouvelle, sa proposition d’ateliers constituants constitue un exercice séduisant.

Les dénonciations de Lordon, Sapir, Beruyer ou des autres économistes atterrés, nous alertent sur les dysfonctionnements d’une économie raptée par quelques uns pour leur profit exclusif.

Foucher ou Rabhi fils nous exposent, après le précurseur Grignon, puis le vulgarisateur Holbecque, les aléas de notre système de monnaie privée.

Friot, les membres du collectif  salariat, ou Ariès, ou Mylando par exemple, nous aiguillent sur une organisation sociale radicalement différente, remettant en cause le marché du travail et de l’emploi et les rapports sociaux violents qu’il induit.

Ce ne sont que quelques  exemples choisis, le net vibre de propositions, de vulgarisateurs. D’où inconvénient qu’il y a à passer son temps à engranger sans cesse la conférence de plus, l’auteur de plus, à lire le blog de plus.

Une des idées les plus impressionnantes, quand on la laisse mûrir en soi, c’est la nécessité absolue de comprendre le « cadre » de l’ordre établi, en tant qu’il en est sa propre « constitution ». Sa « cause des causes ».

Si l’on discerne ce « cadre » de notre ordre présent, nous vous invitons à admettre temporairement qu’aucune mutation ne pourra être pensée sans la remise en cause préliminaire de celui-ci. Ce qui est d’autant plus difficile dans notre ordre établi, dont la caractéristique fondamentale est, comme l’a préconisé Voltaire et dicté Sieyès puis Benjamin Constant, d’organiser le labeur du grand nombre au profit du petit nombre. Une telle aberration, en ce qu’elle enrôle les victimes ‘volontairement’ depuis une petite cinquantaine d’années, ne peut advenir que si les contours de ce cadre ont été rendus flous, ou bien ont été travestis, ou bien ont été cachés.

Nous allons vous donner, à nos risques et périls intellectuels, notre vision de ce cadre, qui est la philosophie même de notre société. Nous espérons vous convaincre que rien ne pourrait être changé sans l’abandon total et brutal de ce cadre, son remplacement par un autre cadre dont on espère qu’il sera, lui, librement choisi et consenti.

Il faut casser le cadre avant de se soucier de réchauffement climatique,  d’égalité homme-femme, de faim dans le monde, d’accès aux soins, de rétablissement de services publics, ou d’éradiquer le chômage. Et c’est casser le cadre que d’instituer la démocratie à travers la réécriture de la constitution. Sinon, c’est pas la peine !

Précaution

Nous voulons être sûr de ne pas confondre ce que nous définirions comme un coté du cadre avec une règle économique se situant à l’intérieur de celui-ci. Comme confondre une loi ordinaire avec un article de la constitution.

Éliminons quelques fausses pistes : L’Euro. L’Euro est certes un cadre monétaire en lui même, mais le fait d’avoir dû préciser « monétaire » le disqualifie. Il n’est qu’un effet, un moyen de satisfaire au cadre. Idem l’organisation politique européenne. Idem un amalgame fourre-tout qui serait un hybride de banques, d’institutions financières, bref la finance.

Finalement, nous en sommes revenu à une notion fondamentale, qui a d’ailleurs été le déclencheur de l’action de Vuncf.org, bien avant notre découverte de Lordon et de son travail sur le rapport entre les descriptions philosophiques de Spinoza et l’enrôlement consenti des salariés au service des ambitions des actionnaires.

Quand il ne reste plus rien pour s’appuyer, que tout est devenu sable mouvant, il ne reste que nos désirs. C’est donc de désirs que le cadre capitaliste est constitué.

Description du cheminement

Si le cadre actuel est formé de désirs, comment les identifier : le désir de crème de marrons peut-il en faire partie ?

Il faut donc cligner les yeux, faire un flou, avoir une vision aérienne. Tout d’abord certains aspects de notre vie sont relativement accessoires : ils ne recoupent pas les désirs de ceux qui nous imposent leur objectifs, autrement dit ils ne les contrarient pas. Au contraire, nombre de nos désirs sont l’objet d’un racket capitaliste et non sujet du capitalisme lui-même.

Que reste-t-il : L’activité économique est le lieu des combats sociaux, la religion n’est plus le primat social en occident. C’est par l’économie que les soumissions s’opèrent.

Une observation rapide désigne l’argent comme média des tensions sociales, mais sa marchandisation n’est qu’un moyen. Qu’exprime ce moyen ?

Il est temps de faire rigoler les marxistes patentés, et les anti-marxistes par la même occasion : L’homme qui possède exploite celui qui ne possède pas. Ne riez pas, il aura fallu 18 siècles de notre ère pour y venir, ce n’est donc pas si naturel que ça. Bernard Arnaud a pu accumuler 39 Md€ qui lui rapportent 3.5Md€ par an, mais mon voisin a pu épargner une assurance vie, et ponctionner de ce fait quelques jours de travail de quelques travailleurs pour améliorer sa retraite pourrie.

Partant de là, nous n’arrivons plus à monter plus haut, à trouver autre chose que le plaisir de jouir de la vie, sans se fatiguer. Ce qui était déjà le cas dans les ordres passés, mais nous arrivons là à un niveau biologique que nous n’essayerons pas de dépasser.

L’argent n’est qu’un descripteur, un quantificateur : soit le capital est liquide (réel ou créé à la demande comme le font les banques privées), soit il est transformé en un bien loué ou un outil de production. C’est un ‘signe’ ‘monétaire’, une contremarque, un certificat si vous voulez. L’argent ne se mange pas. Sauf à vouloir créer une pénurie de signes monétaires pour augmenter le prix de sa location si on est loueur d’argent, posséder de l’argent pour lui-même n’a pas de sens.

Si cela ne vous a pas encore convaincus, vous pourriez simplement vous projeter dans le désir de possession, constater que posséder vingt maisons n’a de sens que si vous en retirez des loyers, de même une entreprise via ses parts sociales, les actions qui rapportent des dividendes, ou ses obligations acquises contre monnaie qui rapportent une rente. Sinon, posséder 20 maisons, juste pour le plaisir, personne ne l’a jamais fait.

Nous pouvons dire que la possession de capital est un coté du cadre. Notez que cela signifie implicitement que le grand nombre ne doit pas posséder, lui, de capital. Précisons donc : il faut se « réserver » du capital.

Continuons : posséder un capital n’a de sens que s’il permet un revenu, donc impose une ponction du propriétaire de l’outil de travail, précisément sur le travail des employés. La rétribution de l’actionnaire ne va pas de soi, voila un coté relativement flou du cadre. Il deviendra plus net quand vous constaterez que le cadre prend sa force autant que l’actionnaire n’est plus seulement éligible à recevoir un dividende, mais qu’il peut en exiger le versement et les modalités.

Une autre composante est la liberté de l’investisseur de choisir la naissance, le maintien en vie et éventuellement la mort de la forme concrète qu’il donne à son capital : ce n’est pas du tout une évidence, mais plutôt une soigneuse construction que de donner un droit exclusif au détenteur de « capital » à choisir l’avènement ou non de ce qui sera ensuite le support des emplois. L’existence même de  « l’emploi » est issue du coté précédemment décrit, possession exclusive de capital. L’employé, c’est celui qui n’a pas assez de capital.

Force est de constater également que l’ajout, relativement récent, d’un coté supplémentaire au cadre à permis une accélération exponentiel de l’efficacité de l’ordre : la possibilité de choisir souverainement le lieu de l’exercice de l’activité.

Un autre coté du cadre est de rendre obligatoire le recours au capital pour ensemencer, puis maintenir cette activité du grand nombre qui nourrit le petit nombre. Il faut du capital pour fabriquer une usine, et immobiliser du capital pour fabriquer (matériaux et salaires) en attendant d’être payé par les clients. Ce dernier est appelé « fond de roulement ».

Définition du cadre

  • Possession exclusive et illimitée de capital par un petit nombre
  • Droit imprescriptible et illimité d’en obtenir un loyer ou dividende ou rente
  • Droit imprescriptible et illimité de définir le taux du revenu du capital
  • Droit imprescriptible de choisir la nature de l’investissement, le lieu, le moment et la durée de celui-ci
  • Les non possesseurs de capital ont obligation de recourir à celui-ci pour vivre, ou dit autrement, ne pas mourir.

Coté du cadre

Grâce à

Empêché par

Permet (en bien)

Abus

Danger à lui seul ?

Possession de capital par un petit nombre

Héritage, épargne

Droits de succession, impôt ou taxe ou monnaie fondante

Entreprise, création, progrès technique

Chantage, pollution, pénurie d’argent

Oui, car il démunit le grand nombre par effet de vase communicants

obtenir un loyer ou dividende ou rente

Loi légitimant toute forme de propriété lucrative

Morale, Loi, impôt ou taxe

Accès à un service ou un bien rapidement, pallier à de trop faibles revenus directs

Immobilier exorbitant, inaccessible, racket à l’accès au logement, à la création d’activité

Oui, par la pratique courante du racket

Définir le taux du revenu du capital

Primat de l’actionnaire, liberté des prix

Encadrement des prix, limitation du droit des actionnaires

Rien

Le taux est toujours à la limite de rupture

oui

Choisir la nature de l’investissement, le lieu, le moment et la durée de celui-ci

Libre-échange, absence de barrières douanières, droit illimité à la propriété

Contrôle des changes, douane, préemption par les salariés ou une collectivité publique.

Entreprise, création, progrès technique

Chômage, pollution, misère

Oui

Obligation de recourir à celui-ci pour ne pas mourir.

Abandon de la monnaie par la collectivité

100 % monnaie (1 prété pour 1 épargné) ou nationalisation du crédit

Rien

Mort des sociétés des hommes

oui

 

 Vérification

Prenons au hasard des travers graves de notre société, et regardons si nous pouvons les lier exclusivement à un ou des cotés du cadre.

Chômage, pollution, crise énergétique ? Choix de l’investissement.

Pauvreté ? premier côté, l’héritage ou absence de redistribution. Le revenu de base ou salaire à vie est une piste.

Souffrance au travail ? Primauté de la volonté de l’actionnaire.

Pb de logement ? Liberté des prix et propriété lucrative illimité

Conclusion :

Héritage, propriété lucrative et main-mise sur les lois par les possédants capitalistes sont les trois clefs de nos emmerdes.

Toutefois, l’initiative privée et la rémunération des efforts est un incontournable. Il nous restera à en penser des limites.

Le reste, c’est du détail, des conséquences…

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